Le japonais va ravir à General Motors la place de premier constructeur mondial.
C'EST la fin d'une époque : après quatre-vingt-un ans de suprématie, General Motors (GM) cédera en 2007 son titre de premier producteur mondial d'automobiles à son grand rival, Toyota. En effet, le groupe américain, né du regroupement de marques mythiques telles que Cadillac, Hummer, Chevrolet, Oldsmobile, qui a ensuite acquis Opel en Europe, ne sera pas en mesure de résister au rouleau compresseur japonais.
Pressenti depuis plusieurs années, l'événement est inéluctable : le groupe de Nagoya prévoit de produire l'an prochain 9,34 millions de véhicules, au moment où GM, qui ne publie pas de perspectives, s'apprête à fermer une douzaine d'usines et à supprimer 34 400 postes pour tenter d'économiser 9 milliards de dollars. Bank of America Securities estime que le géant américain ne devrait produire que 8,76 millions de véhicules en 2007.
Le contraste est saisissant : au moment où GM taille drastiquement dans ses coûts pour essayer de restaurer sa rentabilité, Toyota inaugure des usines aux États-Unis. La dernière en date est entrée en production au Texas le mois dernier. En 2007, le groupe japonais assemblera plus de voitures à l'étranger qu'au Japon. Une première.
Nouvelles technologies
Posséder le plus haut niveau de production de tous les constructeurs automobiles - 9,18 millions prévus cette année - était le dernier symbole auquel pouvait se raccrocher GM. Car au plan financier, plus aucune comparaison n'est possible. La capitalisation boursière de Toyota atteint 234,3 milliards de dollars, alors que celle de l'américain n'est que de 16,7 milliards. De même, l'an dernier, GM a enregistré une perte de 10,6 milliards de dollars, alors qu'au premier semestre de son exercice décalé 2006-2007, Toyota a annoncé un profit de 5,18 milliards d'euros (+ 36,2 %) pour un chiffre d'affaires de 76,4 milliards, en hausse de 15,3 %. Qui dit mieux ?
L'une des raisons du succès de Toyota tient à sa capacité à se donner du temps pour offrir une vaste gamme et de nouvelles solutions techniques à ses clients. En limitant les risques de panne, Toyota s'est forgé au fil des décennies une réputation de producteur de voitures d'une grande fiabilité, reconnue de tous. La qualité est d'ailleurs considérée par Katsuaki Watanabe, son nouveau directeur exécutif, comme « la ligne de vie » du groupe. Elle doit aussi beaucoup à un réseau de fournisseurs étroitement soudés à Toyota par des liens capitalistiques. Pour progresser, l'entreprise a toujours misé sur la croissance interne, en créant ses propres marques. Lexus, pour le haut de gamme, ou Scion, pour les jeunes Américains, ont progressivement élargi l'éventail de sa clientèle. Celle-ci n'est plus, depuis longtemps, uniquement attirée par les tout-terrain. Autre gage d'efficacité, les équipes commerciales sont constamment maintenues sous pression pour éviter les stocks.
Mais le tour de force de Toyota est aussi d'avoir su consacrer d'importants moyens pour se faire reconnaître comme une marque respectueuse de l'environnement, grâce notamment à la Prius. Cette voiture hybride, munie de deux moteurs, a été l'une des toutes premières à fonctionner partiellement à l'électricité.
À Detroit, dans deux semaines, à quelques centaines de mètres seulement du Renaissance Center, le siège de GM, se tiendra le North Américain International Auto Show (Naias), premier salon de l'année. Une page de l'histoire automobile sera alors en train de se tourner.