Terre
Les savants jettent un froid
En proposant les projets les plus fous pour refroidir la Terre, ils font frémir les climatologues, conscients de la fragilité du globe
Frédéric Lewino
Tandis que le gouvernement français en est à installer l'air conditionné dans les maisons de retraite, certains savants en arrivent à vouloir carrément climatiser la Terre. Parce que le protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre s'enlise, parce que la Chine met les bouchées doubles pour se développer, parce que les Américains refusent de remettre en question leur
way of life, parce que la prochaine période glaciaire ne se pointera pas avant cinquante mille ans, ces scientifiques veulent employer les très gros moyens pour refroidir la Terre. Et proposent d'agir directement sur le rayonnement solaire pour le tamiser.
Avant de mourir l'hiver dernier à 95 ans, le physicien américain Edward Teller préconisait d'obscurcir le ciel avec de la poussière d'aluminium et de soufre. Selon ses calculs, 1 million de tonnes ferait chuter l'insolation terrestre de 1 %, contrebalançant ainsi l'effet de serre. Ne croyez pas que cette idée stupéfiante ait jailli d'un cerveau gâteux. Jusqu'à sa mort, Teller était considéré comme l'un des plus brillants savants d'Amérique. Ne fut-il pas le père de la bombe à hydrogène ? C'est lui qui inspira à Stanley Kubrick son « Docteur Folamour ».
Après tout, sa méthode ne fait que copier les grandes explosions volcaniques. En 1991, les cendres du Pinatubo (Philippines), dispersées sur des millions de kilomètres carrés, avaient fait chuter la température terrestre de 0,4 °C pendant quelques semaines. N'ayant pas de volcan à sa disposition, Teller imaginait de faire répandre sa poussière par des avions volant à 13 kilomètres d'altitude et par les canons de la marine américaine ancrée sur l'équateur. Coût : moins de 1 milliard de dollars par an. Mais les biochimistes ont gâché la fête en affirmant que ces particules de soufre et d'aluminium risquaient de gravement perturber la stratosphère.
Qu'à cela ne tienne, le vieil homme avait d'autres tours dans son sac. Avec des collègues, il avait aussi étudié la possibilité d'envoyer sur orbite 50 000 miroirs réfléchissants, ou encore un satellite géant judicieusement placé entre la Terre et le Soleil pour intercepter une fraction du rayonnement solaire. Des scénarios qui peuvent nous paraître dignes de « Star Trek », mais que le gouvernement américain prend très au sérieux et accepte même de financer.